Bail d’habitation : prolongation de la trêve hivernale

Chaque année, du 1er novembre au 31 mars, les locataires ne peuvent, sauf exceptions, être expulsés, même si un jugement les y autorise. Cette année toutefois, en raison de l’épidémie de coronavirus (Covid-19), la date de fin de la trêve hivernale a été repoussée de deux mois, soit au 31 mai 2020 selon l’Ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 publiée au JO du 26 mars 2020.

Durant cette même période, les fournisseurs ne peuvent pas couper l’électricité, le gaz ou le chauffage des personnes qui n’ont pas payé leurs factures.

Le gouvernement a annoncé que les 14.000 places d’hébergement d’urgence ouvertes pour la période hivernale sont maintenues deux mois supplémentaires afin d’éviter toute remise à la rue de personnes hébergées.

Par ailleurs, au-delà du 31 mai, jusqu’à 7.000 de ces places ouvertes initialement pour l’hiver seront transformées en places pérennes ouvertes tout au long de l’année.

Rappelons qu’un propriétaire ne peut expulser lui-même son locataire, en changeant les serrures par exemple. A défaut, il risque trois ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, en vertu de l’article 226-4-2 du code pénal.

Toutefois si le concours de la force publique est retardé ou refusé nonobstant le prononcé d’une décision de justice prononçant l’expulsion de son locataire, le propriétaire peut solliciter une indemnisation auprès du fonds d’indemnisation des bailleurs.

Comment effectuer le recours ?

Avant de saisir la juridiction administrative, le propriétaire bailleur qui s’estime lésé exerce en premier lieu un recours gracieux.

Cette demande peut être initiée dès le refus écrit de l’administration ou bien à l’expiration du délai de 2 mois après le dépôt de la réquisition.

Le propriétaire bailleur adressera lui-même la requête par courrier recommandé avec accusé réception à la préfecture ou par le biais d’un huissier de justice.

La requête a pour objet de solliciter l’annulation de la décision expresse ou tacite et de chiffrer le préjudice subi, tout en apportant les justificatifs et les pièces relatives à la procédure.

L’Administration aura alors 4 mois pour rendre sa décision, son silence équivalant à un refus.

Dans l’hypothèse d’un nouveau refus implicite ou explicite, le propriétaire bailleur dispose de deux mois pour saisir le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve l’immeuble loué.  La demande devra, cette fois-ci, être présentée par ministère d’avocat.

Comment calculer le préjudice ?

Sur quelle période ?

Le propriétaire peut demander le paiement des indemnités d’occupation dues par le locataire indélicat :

  • Début de la période à prendre en compte : 2 mois après la délivrance du procès-verbal de réquisition de la force publique.
  • Fin de la période : accord du préfet.

Si l’administration peut être saisie pendant la trêve hivernale, bien que les opérations d’expulsion soient suspendues jusqu’à son terme, les indemnités d’occupation, quant à elles, ne seront pas prises en compte pendant cette période, soit du 1er novembre au 31 mars et au 31 mai actuellement.

Quels montants prendre en compte ?

Le chiffrage correspond, de manière générale :

  • Au montant de l’indemnité d’occupation mise à la charge de l’ancien locataire en cas d’impayés postérieurs à la décision refusant le concours de la force publique (ou à l’expiration du délai de 2 mois après le dépôt de la réquisition)
  • Aux charges non réglées, postérieures à la décision refusant le concours de la force publique (ou à l’expiration du délai de 2 mois après le dépôt de la réquisition)
  • Éventuellement, suivant votre situation particulière, des dommages et intérêts liés au refus.

Les exceptions à la trêve hivernale

La trêve hivernale n’empêche cependant pas toutes les expulsions.

Si le logement se trouve dans un immeuble ayant fait l’objet d’un arrêté de péril, l’expulsion peut se poursuivre et les locataires concernés peuvent alors rejoindre un centre d’hébergement.

Si le bailleur peut proposer un autre logement correspondant aux besoins du locataire, c’est-à-dire avec le nombre de pièces correspondant à la taille de la famille, la trêve hivernale ne joue pas non plus. Mais cette solution semble plus adaptée aux bailleurs sociaux qu’aux bailleurs privés, généralement propriétaires d’un seul logement.

L’expulsion peut également continuer si elle concerne un bien immobilier qui n’est pas un logement, comme un garage ou une cave.

Enfin, le report de la trêve hivernale n’empêche pas les propriétaires d’entamer une procédure d’expulsion ou de la poursuivre, il faut en effet compter entre dix-huit et vingt-quatre mois en moyenne pour obtenir le départ du locataire.

 

 

Par Marie-Sophie Guigou Avocat Associé intervenant en droit des affaires commerciales, civiles et immobilière