Le recouvrement au profit des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD)

Les EHPAD sont des structures destinées à accueillir des personnes en perte d’autonomie et pour lesquelles le maintien à domicile est impossible.

Elles contractent à cette fin un contrat de séjour ou d’hébergement souvent à durée indéterminée, lequel prévoit les conditions et modalités de l’hébergement du résident, en ce compris les modalités financières de cet hébergement.

Ce contrat est signé soit par le résident lui-même, soit par son tuteur ou son curateur lorsque le résident est placé sous un régime de protection des incapables majeurs.

Il désigne souvent une personne dite « de confiance » ou un « référent familial », en charge, en pratique, du volet administratif de cet hébergement, en ce compris le paiement des frais d’hébergement et frais annexes qui fait l’objet d’une facture mensuelle.

Cependant, à moins que cette personne ne se soit également portée caution personnelle et solidaire des sommes pouvant être dues au titre du séjour, elle n’est juridiquement pas redevable personnellement des frais inhérents à l’hébergement.

Les EHPAD, qui sont souvent des personnes morales de droit privé, se retrouvent souvent confrontés à des risques d’impayés ou à des impayés apparaissant après quelques mois d’hébergement.

Il existe des solutions juridiques pour y faire face, lesquelles diffèrent selon que l’EHPAD veut anticiper un risque, à savoir, la survenance d’un impayé (I), ou au contraire recouvrer un impayé après sa survenance (II).

I. L’anticipation de la survenance d’un impayé

L’article 205 du Code civil dispose que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ».

L’article 208 du même Code dispose « Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit. Le juge peut, même d’office, et selon les circonstances de l’espèce, assortir la pension alimentaire d’une clause de variation permise par les lois en vigueur ».

L’article L.6145-11 du Code de la santé publique dispose que « les établissements publics de santé peuvent toujours exercer leurs recours, s’il y a lieu, contre les hospitalisés, contre leurs débiteurs et contre les personnes désignées par les articles 205, 206, 207 et 212 du code civil. Ces recours relèvent de la compétence du juge aux affaires familiales ».

Sur le fondement cumulé de ces articles, il est possible aux EHPAD de solliciter devant le Juge aux affaires familiales, la fixation d’une obligation alimentaire, à l’égard des obligés alimentaires du résident.

Avant la réforme de la procédure civile du 1er janvier 2020, cette procédure prenait la forme d’une assignation en la forme des référés. Aujourd’hui, il s’agit d’une assignation par devant le juge aux affaires familiales près le Tribunal judiciaire, sur le fondement de l’article 1137 du Code de procédure civile.

Le principe de cette obligation alimentaire existe en dehors de toute saisine du juge : il est prévu par la loi, de sorte que l’office du juge est d’en fixer le quantum. Il se fonde pour ce faire sur les besoins du créancier d’aliments (le résident) et sur les ressources du débiteur d’aliments (souvent les enfants).

En présence d’un résident sous mesure de protection, le tuteur ou le curateur est partie à la procédure es qualité, au nom et pour le compte de son protégé.

La question est plus délicate lorsque le tuteur ou le curateur revêt la double casquette de débiteur d’aliment et de tuteur ou curateur (cas d’un enfant tuteur refusant sa contribution alimentaire).

La décision rendue par le juge aux affaires familiales et fixant une obligation alimentaire ne prend effet que pour l’avenir et au mieux, elle peut être, à la discrétion du juge, rétroactive au jour de sa saisine. Elle n’aura donc jamais pour effet d’apurer une dette passée.

II. Le recouvrement d’un impayé

On se trouve dans le champ d’application du droit des contrats et de la responsabilité contractuelle, au regard du contrat de séjour signé.

Il est important d’identifier de façon certaine le redevable de la dette juridiquement. Il est souvent différent de celui qui factuellement s’acquitte des factures, et qui est souvent la personne de confiance laquelle a procuration sur les comptes du résident.

Dans le cadre d’une démarche amiable, préalable nécessaire et obligatoire à toute procédure contentieuse, il conviendra d’écrire en courrier recommandé au véritable redevable de la dette, à savoir le résident, son tuteur ou curateur es qualité, mais également la caution s’il en existe une. Dans ce cadre amiable, mais seulement durant cette phase, la personne de confiance pourra être informée par le même biais.

A défaut de régularisation, il conviendra d’agir en justice à l’encontre des seuls redevables de la dette, à savoir, selon les cas :

  • Le résident seul
  • Le résident ou son tuteur es qualité
  • Le résident et son curateur
  • La caution éventuellement.

Les choses diffèrent enfin en cas de décès du résident. Se pose alors la question de l’acceptation ou non de la succession par les éventuels héritiers et de l’éventuelle vacance de la succession.

L’article 809 du Code civil dispose « La succession est vacante : 1° Lorsqu’il ne se présente personne pour réclamer la succession et qu’il n’y a pas d’héritier connu ; 2° Lorsque tous les héritiers connus ont renoncé à la succession ; 3° Lorsque, après l’expiration d’un délai de six mois depuis l’ouverture de la succession, les héritiers connus n’ont pas opté, de manière tacite ou expresse ».

L’article 809-1 du Code civil énonce : « Le juge, saisi sur requête de tout créancier, de toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l’administration de tout ou partie de son patrimoine, d’un notaire, de toute autre personne intéressée ou du ministère public, confie la curatelle de la succession vacante, dont le régime est défini à la présente section, à l’autorité administrative chargée du domaine.

L’ordonnance de curatelle fait l’objet d’une publicité ».

Lorsque l’on se trouve dans l’un de ces cas de figure, l’EHPAD en sa qualité de créancier a la faculté de saisir l’administration des Domaines pour tenter de recouvrer sa dette.

 

 

Par Anne-Laure Pittalis, Avocat intervenant en droit civil, droit commercial et droit des procédures civiles d’exécution